mercredi 23 mai 2012

Goma : agriculteurs et consommateurs désorientés par la hausse des prix

Les conflits armés, l’impraticabilité des routes ou la pénurie de semences provoquent la hausse du prix des produits vivriers. La situation empire et désoriente les agriculteurs, qui cherchent des responsables.
Sur le marché de Goma, les prix ne cessent de monter : "Cela faisait déjà plus de quatre mois que le prix des légumes augmentait, surtout ceux de l’ail et de l’oignon", râle Judith Kahindo, une ménagère. Et maintenant, avec, en pleine période de récolte, une insurrection au sein des Forces armées congolaises (FARDC) à Walikale et Rutshuru, qui a provoqué fuite et déplacements de nombre d’agriculteurs, "c’est le tour du haricot et de la pomme de terre", poursuit-elle.
L’offre devient insuffisante et certains vendeurs doivent s’approvisionner au Rwanda. "Puisque le sac de 100 kg de haricots de Masisi est passé de 55 $ à 120 $, sans parler des autres légumes, on va les chercher au Rwanda", affirme Marguerite Mbila, une vendeuse de haricots, qui constituent l'essentiel de l'alimentation. Pour revendre plus cher à Goma, où les prix ont parfois doublé… "Il y a peu de temps, nous pouvions revendre six grosses têtes de 1kg à 600 Fc (0,4$) ; aujourd’hui nous vendons 1 kg à 1 200 Fc", s’indigne Maman Mamy, une revendeuse d’oignons. Cette situation se répercute sur le marché rwandais : "Avant un sac d’oignons de 100 kg s’achetait à 70 $ mais aujourd’hui c’est 100 $ voir 12", indique Alice Muhawehimana, une Rwandaise.

Transports, insécurité…
Producteurs et consommateurs s’interrogent néanmoins. Les causes de cette hausse semblent en effet multiples : outre les déplacements de population et l’insécurité, il y a "les routes de desserte agricole défectueuses et les impacts de l’éruption du volcan Nyamulagira, en janvier dernier", selon Jean-Pierre Nuru, administrateur de la Coopérative du bas peuple, qui regroupe les petits commerçants de produits agricoles.
L’éruption du Nyamulagira "a enseveli la récolte qu’on attendait sous la lave", explique Katembo Mavunga, président des producteurs et vendeurs d’oignon. Et, sur les routes, le délabrement se mêle à l’insécurité pour rendre les transports difficiles : "Les transporteurs ont du mal à amener leurs véhicules vers les zones productrices, en plus de l’activisme armé qui empêche les cultivateurs d’exploiter leur parcelle", souligne Omari Kavota, activiste de la société civile du Nord-Kivu. Mais Mastaki, un cultivateur d’oignon de Rutshuru, ne croit pas pour sa part à l’insécurité comme cause de cette flambée des prix : "Nous sommes en carence de semences au Nord-Kivu. Nous nous approvisionnons en petite quantité au Rwanda, et parfois nous en manquons car tout dépend de leur saison culturale".




La FAO, bouc émissaire ?
Désorientés, certains veulent trouver un responsable à leurs problèmes : "Le FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) nous a causé préjudice en distribuant des semences d’oignon aux personnes non agricultrices et aux commerçants plutôt qu’aux agriculteurs. Et la pénurie nous rattrape", affirme par exemple Katembo Muvunga. Des griefs qui ne sont pas justifiés, selon la FAO, qui renvoie la balle : "Je tiens à signaler que nous ne travaillons jamais avec des individus, mais avec le ministère de l’Agriculture et les ONG internationales et locales qui nous présentent les besoins de la population", explique Massimo Giovanola, coordonateur zone Est du FAO en RDC. En clair, la FAO n’a "jamais fait de distribution spécifique pour l’oignon ; nos interventions se font en kit, surtout pour les produits maraîchers constitués des amarantes, aubergines, tomates, oignons", précise-t-il. Tout en rappelant l’aide déjà fournie : "Nous avons déjà réponse à certains problèmes parmi les plus urgents dans plusieurs provinces en République démocratique du Congo, par exemple l’assistance aux agriculteurs en semence améliorée de manioc."
Jean-Pierre Nuru, de la Coopérative du bas peuple, tient également à rappeler les faiblesses du système agricole du Nord-Kivu : "Nous pratiquons une agriculture traditionnelle, et il est difficile d’avoir une grande récolte. Si l’on mécanisait l’agriculture en renforçant notre sol par des engrais, le Nord-Kivu redeviendrait un grenier de la RDC. De grandes étendues de terre sont restées moins exploitées", conclut-il.
Alain Wandimoyi

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